En parcourant le territoire du Parc naturel régional de la Brenne, on retient sans doute de son architecture une impression d’homogénéité. L’architecture rurale du Parc s’apparente à l’architecture berrichonne. Mais les changements de matière et les modifications subtiles des volumes nous font voyager du Berry à la Touraine et au Poitou, et, si l’on franchit le cours de la Creuse, vers le Sud, l’architecture accompagne la transition des paysages vers ceux de la Creuse ou du Limousin.
Les formes et les volumes de cette architecture sont encore conditionnés par les fonctions essentielles de l’habitat traditionnel et des usages agricoles et par les matériaux disponibles, directement issus du substrat local, qui lient très fortement le bâti au paysage qui le porte.
Matériaux de construction
Les matériaux de construction, pierre, terre, bois, nuancent par leur texture et leur couleur l’unité apparente de cette architecture.
L’architecture de grès rouge de la Brenne des étangs est l’une des images fortes du Parc. Le grès rouge est utilisé seul ou en mélange avec le grison, grès bigarré, blanc ou gris plus ou moins veiné d’ocre.
Passée la Creuse, la pierre devient blonde en petite Brenne (grès ocre et calcaire), puis on retrouve ici et là quelques poches d’un grès très ferrugineux, presque noir.
Partout ailleurs, le calcaire domine, pierre de champ ou de carrière. La commune de Tilly, située à l’extrême sud du Parc abrite de nombreuses constructions en terre crue (bauge et torchis), mais on peut dire que la terre est présente partout dans la construction : murs montés à la terre, plafonds réalisés en torchis, coupoles des fours, carreaux de terre cuite des sols, tuiles en terre cuite des couvertures.
Le bois, le chêne en particulier est un allié précieux de la construction traditionnelle. On rencontre aussi dans certaines zones des charpentes en peuplier, voire en orme, mais le chêne reste largement majoritaire. Charpentes, maisons ou granges sur poteaux, poutraisons, linteaux et jambages des ouvertures, cadres des cheminées, le chêne est présent partout, souvent en place depuis la construction.
Les spécificités de l’architecture rurale traditionnelle
Une architecture rurale modulaire et des volumes extensibles en longueur et en hauteur
Les proportions et les types des bâtiments sont reproduits de façon systématique à partir de modules fonctionnels, correspondant aux besoins essentiels de l’habitat et des différents usages ruraux. Les combinaisons très variées des modules d’habitation et des annexes agricoles, granges, écuries, appentis ou petits toits ou « têts » (porcheries pour la plupart) produit les différentes formes de l’architecture rurale.
On rencontre encore quelques maisons de journaliers faites d’un seul module : une pièce, équipée d'une cheminée et d’un évier, souvent d’un four à partir du XIXème siècle. Sa surface (5m à 5.50m de large par 5 à 6 m de long) est déterminée par la taille des poutres disponibles.
La hauteur des murs est basse, à l’origine 2m à 2.50m à l’égout. Au XIXème siècle, le développement de l’emploi de la chaux permet d’augmenter les hauteurs des murs de façade qui s’élèvent alors jusqu’à 3m, 3.50m.
La locature juxtapose des modules d’habitation et des modules liés à l’exploitation, écurie, grange, etc., le plus souvent, suivant une répartition linéaire de 10 à 30 m de long. Le terme longères qualifie bien ces bâtiments blocs à terre.
Le domaine combine les modules d’exploitation et d’habitation autour de l’espace central rectangulaire de la cour de ferme. Les angles de la cour sont souvent ouverts, pour accéder facilement aux terres de l’exploitation.
Dans les bourgs, on retrouve ce principe modulaire, mais ici l’extension se fait aussi en hauteur. On compte toutefois rarement plus de deux niveaux.
On voit aussi dans quelques villages des maisons bâties en entresol sur des caves ou des celliers à demi-enterrés. Le premier niveau est desservi par un escalier extérieur.
Evolution de l’architecture rurale par grandes périodes
1. La période médiévale
Les bâtiments sont représentés essentiellement par les églises, les châteaux et quelques maisons fortes, quelques bâtiments civils ruraux et bien sûr du patrimoine urbain, souvent fortement modifié par la suite. Ces bâtiments font partie du patrimoine remarquable du Parc. La sensibilisation de leurs propriétaires à l’intérêt d’une étude et d’une conservation fine est à poursuivre.
2. De la fin du moyen âge au début du XVIIème siècle
Il s’agit d’une période large durant laquelle les types évoluent quelque peu mais où l’on retrouve des caractéristiques liées aux modes de construction médiévaux et des avancées techniques. On rencontre d’assez nombreuses maisons ou granges construites sur poteaux à l’origine suivant divers modes constructifs encore à analyser. On a daté une maison rurale construite sur poteaux de 1536 à Martizay, une autre de 1490 à Saint-Aigny, une grange de 1515 à Mauvières. Les poteaux sont habillés de maçonnerie de pierre ou de terre. Au fil du temps souvent la pierre prend la place du bois. Il reste néanmoins de nombreuses traces de ces structures qu’on a pu repérer jusqu’au milieu du XVIIème siècle au moins pour les bâtiments annexes (grange de 1650 à Pouligny). Il existe aussi des bâtiments construits entièrement en pierre pour la même période. Le choix de l’une ou l’autre des méthodes constructives ne semble pas complètement lié à la disponibilité du matériau, puisqu’on trouve des maisons e granges sur poteaux dans des zones ou le calcaire abonde et est facile à tailler.
Dans le sud du Parc, lié au Montmorillonnais on peut observer une majorité de bâtiments construits en terre crue (bauge et torchis), dont l’une des plus anciennes maisons, très modeste, est datée de 1576.
De façon systématique, à moins d’une transformation ultérieure, les toitures de ces bâtiments forment un angle à
60° ou supérieur. Les poutraisons sont le plus souvent constituées de solives de fortes sections allant d’un gouttereau à l’autre. Les charpentes sont soit encore à chevrons formant fermes pour les
bâtiments les plus anciens, soit le plus souvent à poinçon long, s’appuyant sur une solive un peu plus forte formant entrait, et deux demi-entraits assemblés au poinçon, qui portent chacun une seule panne intermédiaire qui soutient le chevron arbalétrier. Ce type de charpente encore très répandu correspond dans la Touraine proche à un type médiéval, alors qu’ici sa présence est notée jusqu’au milieu du XVIIème siècle. De nombreux bâtiments ont été reconstruits à la suite des guerres de religion.
Dans certaines des maisons les plus anciennes, repérées dans le canton du Blanc à l’occasion de l’inventaire, puis aussi ailleurs sur le territoire, la porte d’entrée et la porte du grenier sont situées en pignon. Les escaliers extérieurs d’accès au grenier situés en pignon, sont liés, à l’origine, à ce type archaïque, dans lequel les lucarnes portes n’existent pas. On voit aussi des implantations d’escaliers extérieurs en façade qui semblent correspondre à des remaniements plus récents.
Ces maisons ont des murs gouttereaux très bas. Bien souvent le four vient se rajouter en pignon après la Révolution.
On peut encore voir des granges d’un type archaïque dont la porte se situe aussi en pignon, comme pour l’habitat. Il s’agit à l’origine de granges à charpente sur poteaux, les murs gouttereaux n’ayant pas de fonction porteuse. Souvent elles sont modifiées pour ouvrir une porte sur le mur gouttereau à l’occasion d’une division puis la porte en pignon peut être supprimée.
Les volumes et les charpentes de ces bâtiments témoignent de leur ancienneté que confirme un ensemble d’autres éléments : le montage de la maçonnerie, l’épaisseur des murs, les encadrements bois ou pierre suivant les zones, ainsi que les encadrements à chanfrein, linteaux en accolade, linteaux délardés…
3. XVIIème et XVIIIème siècles
A partir de la fin du XVIIème siècle on assiste à une modification qui se lit notamment dans les charpentes dont le type le plus fréquent est à entrait retroussé, à simple ou double faîtage portant une ou deux pannes au-dessus de l’arbalétrier. On passe du linteau délardé au linteau voussé souvent. Les ouvertures, petites jusqu’au XVIème siècle s’agrandissent peu à peu. A l’extérieur, à partir du XVIIIème siècle, on voit apparaître la lucarne qui permet l'accès au grenier par une échelle qui reste toujours en place.
On peut citer aussi de nombreuses menuiseries encore en place datant du XVIIIème siècle ou antérieures. Certaines portes du XVIIème siècle sont assemblées par des chevilles en bois imitant les clous forgés, dont la restauration doit être prise en compte pour conserver l’intérêt patrimonial des ensembles.
Les fenêtres à petits carreaux du XVIIIème siècle méritent aussi une attention particulière.
4. XIXème siècle
Ces bâtiments sont largement les plus représentés sur l’ensemble du territoire, d’une part car plus récents ils ont mieux résisté au temps, d’autre part en raison du développement de l’agriculture au cours du XIXème siècle.
Au XIXème siècle, la plupart des bâtiments continuent à être construits en maçonnerie montée à la terre. Toutefois, c’est la période du plein développement des fours à chaux et des briqueteries.
Peu à peu la chaux entre dans la composition des mortiers et permet une augmentation de la hauteur des murs gouttereaux avec l’amélioration de la résistance des mortiers. On utilise beaucoup la brique pour les encadrements, quelquefois en association avec des quartiers calcaires. C’est la période ou de nombreuses huisseries en bois sont remplacées par la brique. On voit aussi une diffusion de pierres de taille calcaire vers le sud du Parc qui correspond à un développement des moyens de transport.
Si on a conservé tout au long du XVIIIème siècle l’angle à 60° des toitures, lié pense-t-on à l’origine à des couvertures végétales, la systématisation de la tuile et le besoin d’augmenter le volume des greniers pour le développement de l’agriculture amèneront les charpentiers à travailler sur des angles à 45°. Les charpentes se simplifient puis, à la fin du XIXème siècle, on voit apparaître des charpentes mixtes (bois et acier), des couvertures en ardoises, liées aussi au développement du chemin de fer qui permettent de couvrir de plus grands bâtiments (de par leur poids plus faible) et les tuiles mécaniques qui permettent d’abaisser encore la pente des couvertures et d’élargir les bâtiments.
5. Première moitié du XXème siècle
Les bâtiments construits au début du XXème siècle continuent à utiliser des modes constructifs traditionnels. Toutefois, ils répondent davantage à une évolution nationale de l’architecture d’habitation qu’à des critères régionaux.
Ils correspondent moins que durant les autres périodes à des spécificités régionales si ce n’est que l’ardoise se développe en couverture, les charpentes ne sont plus systématiquement en chêne ou en peuplier, les encadrements sont de plus en plus saillants par rapport au nu des maçonneries et créent un effet décoratif. On remarque quelquefois, dans l’architecture modeste, pour les quartiers d’angle, l’utilisation de parpaings moulés sur place qui, se patinant avec le temps, prennent l’aspect de la pierre.
En 1948, la loi sur le logement social a développé un type de bâtiments bien particuliers à linteaux en acier, décorés de petites rosaces.
Les transformations et l’amélioration du confort d’après guerre se traduisent souvent par un bétonnage d’une partie des sols et des murs intérieurs et extérieurs au mortier bâtard, et, éventuellement, par une ou des ouvertures agrandies ou créées et des encadrements béton. Les bâtiments relèvent d’un style particulier, enduits à la tyrolienne gris foncé ou teintés de couleurs fortes (marron, rouge, vert, bleu), soubassements soulignés (imitation parpaing ou rocaille), encadrements peints en blanc. Ces bâtiments ont bien sûr développé de l’humidité et des travaux de réhabilitation peuvent être l’occasion de les assainir, mais on peut aussi se poser la question de la conservation de ce type qui disparaîtra prochainement.