Force est de reconnaître que cette notion de "patrimoine archéologique" englobe beaucoup de choses tant visibles, comme le bâti ancien, qu’invisible, pour ce qui est enfoui ! En outre, le « passé » est vaste : des origines de l’humanité à… hier !
Les recherches effectuées localement depuis une vingtaine d’années ont révélé un patrimoine archéologique insoupçonné.
Plus de 250 sites et d’indices de sites archéologiques inédits ont été enregistrés. Ils sont datés du Paléolithique au début du 20e s. en documentant au passage l’Epipaléolithique, le Mésolithique, le Néolithique, l’âge du Bronze, l’âge du Fer, l’Antiquité, le Moyen Age et l’Epoque Moderne).
La nature des sites enregistrés est extrêmement diverse : habitats, bâtiments agricoles, fortifications de terres, artisanat (ateliers de potiers, de tuiliers, de réduction du fer, de taille du silex, etc.), sites industriels, funéraires, d’extraction minérale, réseau viaire ancien, aménagements piscicoles, bâti religieux, mégalithes, etc.
Les étangs, loin d’être d’anciens marécages tourbeux, recèlent dans leur fond plusieurs sites notamment des ateliers de réduction du fer ou des structures maçonnées gallo-romaines.
Exemple de sites archéologiques : les ferriers
Les vestiges archéologiques de loin les plus nombreux sont ceux de la sidérurgie ancienne (et même très ancienne car antérieure aux « forges hydrauliques » des rivières).
Plus d’une centaine de sites sidérurgiques inédits ont ainsi été enregistrés.
Ces sites appelés ferriers se présentent sous la forme de dépôts de scories de réduction du fer. Ce mâchefer est associé à des vestiges détruits de fours de réduction du fer (terres charbonneuse ou brûlée devenues noires ou rouges) donnant un aspect très caractéristique à cette catégorie de sites.
La répartition géographique de ces ferriers est loin d’être aléatoire et reste étroitement liée à la présence ou la proximité d’un certain environnement végétal (forestier d’où l’on tirait le combustible).
En outre, il fallait également du minerai de fer accessible. Or celui-ci est présent en divers lieux de la Brenne majoritairement sous la forme de billes/boulets : les pisolithes.
Ces ferriers ne sont pas systématiquement datés. Nous savons toutefois que la pratique sidérurgique revêt un caractère plus industriel au cours de l’Antiquité même si elle parait se poursuivre jusqu’à la fin du Moyen Age.
Le nom des communes comme Azay-le-Ferron, Nuret-le-Ferron rappelle cette ancienne industrie.
Les étangs anciens et leurs bondes traditionnelles
Depuis 2006, le Parc a également développé et intégré une méthodologie particulière pour l’étude des ouvrages d’art que sont les structures piscicoles. La prospection archéologique, dite thématique, a conduit à la caractérisation et à la datation individuelle (archives, données archéologiques, isotopiques et dendrochronologiques) de la majorité des plans d’eau du réseau « historique » de la Grande Brenne.
Plus de 750 étangs « historiques » et autres pièces d’eau anciennes (en eau ou à l’abandon) ont été recensés dans 11 communes du centre du Parc.
14 bondes à pilon traditionnelles, récupérées principalement à l’occasion de travaux de rénovation d’étangs ont fait l’objet de datations dendrochronologiques. Cette méthode de datation se fonde sur l’examen microscopique de la succession des cernes de croissance des arbres. Les variations de taille observées permettent, à partir d’un référentiel de séquences mises bout à bout, de retrouver l’année précise (ou même la saison) d’abattage de l’arbre dont est issu le bois analysé. Les bondes à pilon brennouses, construites entièrement en bois, en cœur de chêne, se composent de 2 parties : la conche et le portique ou « devant » de bonde. Du portique, nous distinguons au sommet de la chaussée notamment le « chapeau » à bord en doucine si caractéristique de la Brenne qui enserre l’extrémité du pilon.
La conche, traversant horizontalement de part en part la base de la chaussée de l’étang, forme la canalisation par laquelle l’eau est évacuée (canal, échinal en Brenne).
Elle comprend le têtier, pièce de bois de section carrée sur la face supérieure de laquelle un trou circulaire, l’œil, a été creusé. L’eau emprunte cet orifice puis s’écoule dans l’arrière du têtier relié à l’auge. On y loge la massue du pilon.
Le bois de chêne lorsqu’il se trouve à l’abri de l’air est presque imputrescible. Aussi par le passé, seules les parties « aériennes » de la bonde étaient changées régulièrement (tous les siècles en moyenne). Jusqu’à l’arrivée des pelles mécaniques, au XXe siècle, les conches, enfouies au plus profond des chaussées étaient quant à elles rarement remplacées. Elles peuvent donc être très anciennes ; peut-être même datent-elles parfois de la construction de leur étang respectif.
Les datations dendrochronologiques obtenues s’étendent de 1407 à 1940, un quart sont médiévales et la moitié est antérieure au XVIIe s. Elles complètent ainsi significativement nos connaissances sur la dynamique du réseau piscicole brennou.
Archéologie et palynologie
Afin de mieux appréhender la dynamique des paysages qui font aujourd’hui la réputation de la Brenne, des travaux palynologiques portant sur les tourbières anciennes ont été engagés sur le territoire du Parc.
La palynologie est l’étude des grains de pollen fossilisés dans les dépôts organiques. Cette analyse fine, réalisée entre 2001 et 2007, par le laboratoire d’Ecologie et des Paléoenvironnements Atlantiques de l’Université de Nantes permet de reconstituer un paysage végétal à plusieurs kilomètres de rayon autour du site de prélèvement.
Les résultats de 6 sondages palynologiques sur tourbières associés à une quinzaine de datations isotopiques au radiocarbone portent un éclairage inédit sur les dynamiques du paysage végétal sur près de 2500 ans :
un paysage de fonds de vallée déjà plutôt ouvert dès l’Antiquité et où la forêt régresse à partir du haut Moyen Age,
un milieu densément boisé, peu anthropisé, dans les interfluves jusqu’au début du Moyen Age central. A cette période, on observe une très nette régression de la chênaie caducifoliée qui s’accompagne du développement de la lande, formation végétale emblématique de la Brenne. Le déboisement, qui a débuté certainement, dès l’Antiquité, avec le charbonnage des forêts à des fins sidérurgiques, trouve sans doute ici son explication dans la volonté des sociétés rurales d’accroître l’espace agropastoral au détriment de la forêt.
La déforestation va avoir des conséquences sur les sols de Brenne. La perte de surfaces boisées va semble-t-il : accentuer le lessivage des sols en hiver, limiter l’effet de pompage de l’eau par les arbres. Cela entraînera une augmentation de l’évaporation directe imposant une accentuation des contrastes hydriques au sein des sols (sécheresse en été, humidité en hiver) mais aussi une remontée de la nappe. Les espaces ainsi libérés vont être mis à profit par l’agriculture et par la pisciculture.