Le changement climatique en Brenne

Eau et étangs :

Forêt et bocage :

  • Centre régional de la propriété forestière, Département santé des forêts, 2020, Etat sanitaire des chênes en forêt de Brenne
  • Centre régional de la propriété forestière, février 1999, Typologie des stations forestières de la Brenne
  • Dounia Saleh, Jun Chen, Jean-Charles Leplé, Thibault Leroy, Laura Truffaut, Benjamin Dencausse, Céline Lalanne, Karine Labadie, Isabelle Lesur, Didier Bert, et al, 2022, Genome-wide evolutionary response of European oaks during the Anthropocene
  • Institut national de l’information géographique et forestière, 2020, Etat et évolution des forêts françaises et métropolitaines
  • Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Décembre 2020, Feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique
  • Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, 2014, L’arbre et la forêt à l’épreuve d’un climat qui change
  • Prom’haie Poitou Charente, 2014, Nos arbres face au changement climatique
  • Vincent Badeau, Jean-Luc Dupouey, Catherine Cluzeau, Jacques Drappier, 2007, Aires potentielles de répartition des essences forestières d’ici 2100

 

 

Climat :

 

Agriculture :

Biblio - Ressources

mardi 15 février 2022

Qu’est ce que le climat ? 

Le climat décrit la moyenne de conditions météorologiques pour une localisation précise et sur une longue période de temps. Celui-ci se caractérise par une description statistique de l’ensemble de facteurs météorologiques tels que la pluviométrie, la température et le vent

D’après l’organisation météorologique mondiale, on parle de climat sur une période de 30 ans minimum tandis que l’on parle de météo sur un pas de temps beaucoup plus court (quelques jours), la météo est le temps qu’il fait à un moment donné.
« Étudier le climat, c’est pouvoir vous affirmer avec quasi-certitude que l’été 2050 sera plus chaud que l’été 2000, mais être incapable de vous dire si 2051 sera plus chaud que 2050 » Jean Jouzel

Le changement climatique :

 

2022 01 effetdeserre

 

La Terre reçoit son énergie du soleil : une partie du rayonnement solaire est absorbé par la Terre. La Terre libère l’énergie ainsi reçue sous forme de rayonnement infrarouge réémis vers l’espace. Les gaz à effet de serre (GES), présents dans l’atmosphère, ont la propriété d’intercepter une partie de ce rayonnement infrarouge et de le réémettre, notamment en direction de la Terre. Ce phénomène naturel, dénommé « effet de serre », modifie le bilan radiatif de la Terre et permet d’obtenir à la surface de celle-ci une température moyenne de 15 °C. Sans lui, la température serait de – 18 °C. L’effet de serre est donc bénéfique. C’est la trop forte concentration des GES qui est problématique. Les activités anthropiques, qui conduisent à l’émission de GES en fortes quantités depuis 1850, sont responsables de cette augmentation et donc, du réchauffement climatique. Il existe plusieurs types de GES : le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote, l’ozone, la vapeur d’eau et encore les gaz fluorés. Une augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère accroît leur opacité au rayonnement infrarouge. Cela implique qu’une plus grande partie de ce rayonnement est interceptée, modifiant ainsi l’équilibre : ce « forçage radiatif » est responsable du renforcement de l’effet de serre, qui se traduit par une augmentation moyenne de la température de l’atmosphère, entraînant de nombreuses répercussions sur les hommes et leurs milieux.


 

La durée de vie des différents gaz à effet de serre dans l’atmosphère varie d’un gaz à un autre, cela signifie que les différents GES agissent dans l’atmosphère pendant plusieurs dizaines d’années après leurs émissions, c’est ce qu’on appelle l’inertie climatique. Aujourd’hui des politiques de réduction d’émissions des GES sont en places afin de limiter cette inertie et par enchaînement la limitation de l’augmentation des températures sur Terre. Le GIEC, groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat s’est appuyé sur cinq scénarios appelés SSP (Shared Socio-economic Pathways, ou « Trajectoires socio-économiques partagées ») afin d’étudier les futurs impacts possibles du changement climatique. Ces différents scénarios émettent des hypothèses quant à la possibilité d’évolution future de population, de développement économique/technologique et de politiques environnementales. Ces scénarios sont graduellement exposés, d’assez optimistes reposant sur de fortes réductions immédiates des émissions de GES (SSP1-1.9 et SSP1-2.6), à un scénario catastrophe dans lequel les émissions annuelles de GES seraient multipliées d’ici 2100 (SSP5-8.5), en passant par des scénarios « intermédiaires » (SSP2- 4.5, SSP3-7.0) d’évolution des émissions de GES et donc de température. Ces différents scénarios ont comme référence la période pré-industrielle (1860/1900) et projettent leurs scénarios jusqu’en 2100.

 

Température moyenne à la surface de la terre par rapport à la période 1850/1900

2022 02 climat

 

Ces scénarios  sont ensuite utilisés pour faire tourner des modèles climatiques globaux, ce sont des algorithmes permettant de visualiser les changements climatiques futurs.  Le Ministère de la Transition Écologique et Météo France ont ainsi créé l’outil Drias, qui permet de voir la modification des  variables climatiques par rapport à une période de référence (1976/2005) sur le territoire français et ainsi de prévoir les impacts du changement climatique à une échelle plus locale. D’autres outils utilisent les différents modèles : Clim’essences (évolution des forêts, outil développé par Aforce), ClimaXXI, (systèmes agricoles, outil développé par la chambre d’agriculture). Citons enfin un dernier outil, Oracle, également développé par les chambres d’agriculture. Il s'agit d'un observatoire qui vise à objectiver la perception des phénomènes liés au changement climatique et à  mesurer leur  impact sur l’agriculture française.

 

La caractérisation du climat : 

En France métropolitaine, le climat est de type tempéré. Ce climat est présent dans les deux hémisphères. Il existe plusieurs sous types de ce climat : océanique, océanique altéré, semi-continental, de montagne et méditerranéen.

En Brenne le climat est dit tempéré de type océanique altéré. Les vents en Brenne viennent majoritairement de l’ouest ou du sud ouest. La vitesse moyenne de celui-ci est de 70 à 100 km/h. La pluviométrie annuelle est de 600 à 750 mm/an (source Météo Centre).  On remarque des écarts de pluviométrie assez importants sur le territoire mettant en avant la présence de climats locaux. La température moyenne annuelle est aux alentours de 11.7°C (source MétéoCentre), les hivers sont généralement doux et les étés peuvent être chauds. Les gelées peuvent être tardives et la sécheresse assez marquée en été voire au printemps. La sécheresse et les gelées sont les aléas climatiques les plus craints au niveau agricole localement.  On dénombre chaque année 83 jours de gelées, en moyenne, entre octobre et avril (source MétéoCentre).

Voici un tableau récapitulatif des variables climatiques sur la période 1976/2005 ainsi que leurs modifications attendues sur la commune du Blanc sur la période 2041/2070 selon le scénario SSP2- 4.5 et SSP5-8.5. Les données choisies sont effectives pour la commune du Blanc, en revanche nous avons remarqué qu'il peut y avoir de petites différences avec d'autres communes comme au centre de la Grande Brenne. Toutes ces données sont disponibles sur l’outil Drias: 

 

2022 02 tableau1

Le Climat

jeudi 09 décembre 2021

Notre patrimoine bâti est impacté par le changement climatique et le sera dans les années à venir.
Trois risques majeurs sont identifiés : le retrait-gonflement des argiles, les évènements climatiques extrêmes et la question du confort thermique d'été.

 

Le retrait-gonflement des argiles : des habitats dégradés

Les terrains argileux superficiels peuvent voir leur volume varier à la suite d’une modification de leur teneur en eau. Ils se « rétractent » lors des périodes de sécheresse (on parle de 2022 03 Plan de prévention argile gonflement« retrait ») et gonflent au retour des pluies lorsqu’ils sont de nouveau hydratés (phénomène de « gonflement »).

Ces variations sont lentes, mais elles peuvent atteindre une amplitude assez importante pour endommager les bâtiments localisés sur ces terrains. Le phénomène de retrait-gonflement des argiles engendre chaque année des dégâts considérables, indemnisables au titre des catastrophes naturelles. En France, le coût des dommages directement liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles a été évalué à 365 millions d'euros par an en moyenne (en 2003, année caniculaire, le coût s’est élevé à 2 milliards d'euros).
La grande majorité des sinistres concerne les maisons individuelles, leurs fondations étant moins profondes que celles des immeubles, et la plupart d’entre elles ayant été construites sans études géotechniques du sol préalable.


Pour lutter contre ce phénomène, la loi Élan (2018) a institué la réalisation d’une étude géotechnique préalable à la vente de terrains ou à la réalisation de travaux, dans les zones concernées. Il s’agit de limiter l’apparition des malfaçons touchant les maisons situées dans les zones argileuses. Depuis le 1er janvier 2020, tout vendeur d’un terrain constructible situé dans une zone exposée au risque de retrait/gonflement d’argile devra fournir une étude de sol, dans le but de prévenir l’acheteur sur l’existence de risques de dégradation et de fissures dans le logement.

 

 

Les évènements climatiques extrêmes2022 03 Plan de prévention des risques naturels

Les évènements extrêmes, plus fréquents, causeront des dégâts importants en particulier sur les toitures (tempêtes et coups de vent) mais aussi sur l'habitation dans son ensemble (inondations intenses) et les infrastructures.
 
Les bassins et fontaines seront plus difficilement mis en eau en raison de la diminution des débits des cours d’eau. Enfin, les sécheresses génèreront des variations du niveau des eaux qui peuvent déstabiliser les mortiers et fondations des villages situés en bord de cours d'eau et de rivières ainsi que des moulins.

 

Le confort climatique d'été

Avec les hausses de températures attendues, la question principale des années à venir sera le maintien de zones de fraicheur, en ville mais aussi dans les villages et dans nos habitats individuels.

L'installation de climatisations, qui consomment de l'énergie et utilisent des fluides frigorigènes, gaz au fort pouvoir réchauffant, ne peut pas être l'unique solution.

Le Parc naturel régional de la Brenne conduit depuis une quinzaine d'années des travaux innovants sur la réhabilitation du bâti ancien, avec l'aide de matériaux biosourcés. En effet, le bâti ancien est plus résilient que l’habitat récent. Nous en avons tous fait l'expérience : en été, les vieilles maisons conservent mieux la fraîcheur.
Compte tenu du taux de vacance de l'habitat ancien sur le territoire et des nombreux dispositifs d’aides à la réhabilitation, des opportunités de rénovation d’habitats plus résilients sont à encourager. La Maison de la Rénovation (Maison de la rénovation) a été mise en place pour accompagner les porteurs de projets gratuitement.
Le Parc travaille également sur les filières locales de matériaux biosourcés : chanvre, paille, roseau... mais aussi terre crue afin de créer de l'emploi non délocalisable, de stocker du carbone dans nos habitations et de rendre le territoire plus résilient.

Pour les municipalités et les acteurs publics, l'enjeu consiste à cesser de créer des îlots de chaleur. Dans les entreprises, les cours d'école, les places de village, devant les commerces, sur les zones de stationnement : les enrobés sont à éviter et la végétalisation de tout nouvel aménagement est indispensable (toiture végétalisée, plantes grimpantes, arbres de haut jet, pergola, ombrières...)
Ces nouveaux réflexes permettront en outre de lutter contre l’imperméabilisation des sols afin de prendre soin de la ressource en eau, dans un contexte de raréfaction et d'évènements extrêmes (pluies intenses).

 

 La question de l'identité paysagère locale

Nous le constatons : avec le changement climatique, de nouvelles formes, de nouveaux éléments paysagers voient le jour : piscines, pergolas, logias… Un nouveau paysage se dessine, avec des caractéristiques « du sud de la France ». Comment prendre soin de nos paysages, de notre identité patrimoniale locale, tout en adaptant nos milieux de vie à ces nouvelles conditions climatiques ?
Pour le territoire du Parc, destination "nature et patrimoine", c'est l'un des défis des années à venir.

Le bâti

jeudi 09 décembre 2021

Présentation de la forêt dans le Parc naturel de la Brenne:

La couverture forestière représente  environ 1/3 de la surface du PNR, soit  54 000 hectares. On y trouve des boisements diversifiés constitués aussi bien de feuillus que de résineux. La flore présente en Brenne est dominée par des espèces européennes, subatlantiques et subméditerranéennes. Cette flore est directement liée aux types de sols : le pH, la structure, la texture ou encore le type d'humus. Ces dernières caractéristiques vont faire varier la quantité en eau des sols (réserve utile) et favoriser les essences les mieux adaptées à ces conditions. Aujourd'hui en Brenne on retrouve les peuplements sur différents types de sols à fortes contraintes : des sols peu épais sur des planchers de grès ou d'argile mais aussi des sols avec un excès d'eau en hiver et un déficit en été. 55 % des sols forestiers sont brunifiés (sols bruns basiques sur substrat calcaire) et 41 % sont hydromorphes (très humide l'hiver et très sec l'été). Les peuplements de Brenne sont plutôt adaptés aux contraintes pédologiques du territoire.2021 11 08 rencontre ONFDSFCRPF Chateauroux AW 11
 
Le massif forestier le plus important sur le Parc naturel de la Brenne est la foret de Lancosme, avec une superficie de 5 430 ha, qui s'étend sur 4 communes : Vendœuvres, Neuillay-les-Bois, Méobecq et Migné. Sur le territoire de la Brenne, il n'y a pas de forêts domaniales (c'est-à-dire forêt appartenant à l'Etat), les espaces forestiers sont pour la plupart des biens privés. L’essence la plus représentée est le chêne pédonculé, qui est l'essence la plus sensible au changement climatique. On y retrouve aussi le chêne sessile, le charme, le chêne pubescent et plus rarement le chêne tauzin. Pour les essences de résineux, ce sont les pins maritimes, sylvestres ou encore laricios qui sont les plus représentés. Le pin maritime est lui présent depuis longtemps, par rapport aux autres résineux tels que le pin sylvestre et laricio qui ont fait leur apparition sur le territoire lors de la déprise agricole. 
 
Foret de Châteauroux, PNR Brenne

Rôle de la forêt face au changement climatique:

 
La forêt joue un rôle primordial dans la lutte contre le changement climatique. Elle séquestre chaque année une partie des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, et atténue ainsi les effets du changement climatique. Les produits bois transformés stockent le carbone tout au long de leur vie. Utilisé dans la construction, le bois se substitue à des matériaux énergivores (aluminium, acier, béton, PVC) ; et utilisé comme combustible, il pallie l’épuisement des ressources non renouvelables (pétrole, gaz, charbon…). Cette valeur ajoutée peut être résumée en trois mots : stocker, séquestrer, substituer.
 

La forêt face au changement climatique:

 
Dans le contexte du changement climatique, plusieurs éléments vont impacter les forêts au cours des prochaines décennies :
  • l'augmentation de la température et des vagues de chaleur, avec un nombre de jours au dessus de 25° (+29 jours pour la période 2041/2070 par rapport à la période 1976/2055 selon le scénario d'émissions RCP 4.5, DRIAS). 
  • Un changement de régime pour les précipitations : la plupart des modèles s'accordent à dire que la pluviométrie sera similaire à celle d’aujourd’hui mais que la répartition des précipitations dans le temps devrait changer. On peut s'attendre à des étés plus secs et à des épisodes de pluies intenses. Selon l’outil Clim’essences le climat forestier en 2050 devrait correspondre au climat actuel sud méditerranéen. 
2022 02 climatforet
Source: Clim'essences, les climats analogues 
 

Les conséquences à prévoir sont de plusieurs ordres :

  •  La multiplication des feux de forêts, qui se propagent très rapidement sur une végétation devenue sèche. Les habitants du territoire se souviennent que le 4 septembre 2019, un incendie a détruit 200 hectares, dans la forêt de Lancôme. Puis, le 18 septembre 2019, 800 ha de feux de végétation sur les communes de Lignac et Chalais. Plus de 300 pompiers de l’Indre et de départements voisins ont été mobilisés.
  • Le dépérissement, c'est à dire la dégradation de l'état de santé d'une forêt entraînant le plus souvent la mort des arbres. Le dépérissement survient avec des causes multi factorielles (climat, manque d'eau, maladies ou insectes, gestion non adaptée ou mal maîtrisée…)
  • Quand le niveau de dépérissement est trop important, les gestionnaires recommandent une coupe rase et de nouvelles plantations. Celles-ci peuvent être des feuillus ou des résineux, qui devront être mieux adaptés à la chaleur. Cette stratégie pose les questions de la perte de biodiversité d’une part et de la diminution des ressources génétiques locales d’autre part.
    

Aujourd'hui plusieurs pistes sont envisagées pour l'adaptation au changement climatique de nos forêts :

 
  • Il est aussi possible de compter sur l’adaptation génétique des essences présentes sur place, c’est la voie que suggèrent les écologues. De plus en Brenne nous remarquons une hybridation des différentes essences de chênes (sessile, pédonculé et pubescent) ce qui pourrait ainsi permettre une meilleure résilience face aux impacts du changement climatique. 
    • Il peut être parfois envisagé la plantation de nouvelles essences méridionales ou de résineux. La plantation permet d’apporter une diversité génétique et une diversité d’essence pour répartir au mieux les risques liés aux aléas sanitaires (nouveaux organismes pathogènes, agressivité modifiée d’organismes actuellement non pathogènes ou conditions climatiques devenues inadaptées).

Jeunes pousses en pépinière "végétal local", AFAC Agroforesteries

 
Dans tous les cas, les forestiers sont soumis aux incertitudes. La forêt est un écosystème particulièrement vulnérable. Sa croissance est lente et son espérance de vie s’étale sur plusieurs siècles : les conséquences des décisions prises aujourd’hui ne seront visibles que dans des décennies. Le changement climatique dérègle les cycles de vie des arbres. Ceux-ci présentent une adaptation limitée aux nouvelles conditions climatiques surtout lorsqu’elles surviennent trop rapidement. 

La forêt

jeudi 09 décembre 2021

Un maillage bocager au service du changement climatique 

 

Qu'est-ce qu'un maillage bocager

 
apercu bocageLe bocage est un paysage agraire dans lequel les champs sont séparés par des réseaux de haies (de typologies variées : arbustive, brise-vent...), d'alignements d'arbres mais aussi d'arbres isolés. Lorsque toutes ces entités sont reliées et qu'elles forment un réseau, parfois encore parcouru par des "chemins creux", on peut alors parler de maillage bocager. Localement, les haies sont appelées des bouchures. Le réseau de haies est encore relativement dense sur le territoire du Parc avec près de 9 000 km de haies, ce qui en fait un élément patrimonial à l'échelle de la  région Centre-Val de Loire.
En France, de nombreux paysages similaires à celui-ci ont aujourd'hui disparu et le Parc naturel régional de la Brenne fait rôle d'exception : il nous revient de prendre soin de ce patrimoine. Au Sud de l'Indre, une petite région naturelle se détache de par sa forte densité de haies, le Boischaud sud, où l'activité d'élevage extensif bovin et ovin a permis de garder un maillage bocager encore très dense.
 
 
 

Le bocage rend de nombreux services :

  • la préservation de la qualité mais aussi de la quantité de l'eau. La haie restitue les eaux profondes pour les cultures, diminue l’intensité des crues, joue le rôle de zone tampon, de filtre, préserve les sols contre l'érosion et diminue le ruissellement

  • la préservation de la biodiversité. Le bocage joue un rôle de réservoir, d'habitat à part entière pour de nombreuses espèces en espace agricole
  • des ressources en énergie (bois) en substitution aux énergies fossiles
  • régulation micro-climatique (ombrage et brise-vent)

Dans le contexte du changement climatique les services du bocage permettront une meilleure résilience du territoire, tels que :
  • La prévention des inondations : un important maillage bocager peut permettre de ralentir et de faciliter l'infiltration des eaux de ruissellement
  • La filtration des intrants ou des effluents pour lutter contre la pollution et l'eutrophisation des cours d’eau
  • La régulation microclimatique et la fourniture d'abri pour le bétail (pluie, fortes chaleurs, etc.)

Outre ces qualités pour l'adaptation des territoires, la haie joue aussi un rôle dans l'atténuation du changement climatique par le stockage de carbone.

 

Un bocage en souffrance : 

    
On constate aujourd'hui une érosion du bocage sur le territoire pour plusieurs raisons :
  • le vieillissement et le non renouvellement des haies et des arbres de haut jet, qui ne sont pas toujours correctement entretenus,
  • l'arrachage des haies pour l'extension des grandes cultures,
  • la diminution des pratiques d'élevage extensif,
  • une perte de la diversité végétale des essences : les mauvaises pratiques de gestion ont ainsi favorisé des essences dans les haies avec une forte prédominance d'aubépine et de prunellier. Cette monospécification induit un accroissement de la vulnérabilité du bocage face au changement climatique puisqu'un milieu ayant une richesse spécifique importante est plus résilient.
Comment les haies vont-elles réagir face au changement climatique ?
Les impacts du changement climatique sur la haie sont proches de ceux évoqués sur la forêt : on pourra se reporter à l’onglet dédié pour les explications sur le dépérissement des arbres.
  • Une mauvaise gestion avec des tailles trop importantes peut fragiliser l'arbre et la haie. Le climat peut ensuite avoir un impact sur le dépérissement avec l’accroissement des périodes de chaleur et l’augmentation des stress hydriques. Les facteurs biotiques (maladies, insectes) peuvent être également une cause de ce phénomène. Sur le territoire du Parc, de nombreux chênes pédonculés sont dépérissants. 2019 09 10 Incendie prairies Migné 16
  • Une vulnérabilité accrue face aux risques d’incendies. En septembre 2019 le feu a parcouru plus de 800 ha de prairies et de haies sur le territoire, un évènement traumatisant pour les éleveurs et les habitants.
  • Une perturbation des cycles de croissance menant à un décalage de la saison de végétation qui pourrait augmenter les risques d’exposition face aux gelées tardives.
 
Incendie à Migné, 2019, PNR de la Brenne
 
Pour valoriser le bocage et ses nombreux services rendus, le Parc naturel régional de la Brenne a mis en place l'"Opération Bouchures", permettant la replantation de haies sur le territoire à moindre coût pour les agriculteurs. Par ailleurs, une expérimentation PSE "Paiement pour Services Environnementaux" - Haie est en test afin de rémunérer des agriculteurs pour une bonne gestion des haies. Un accompagnement à la plantation mais aussi des formations à la gestion des haies sont proposés dans le but de régénérer mais aussi de préserver le bocage. 
 Enfin, le PNR de la Brenne a été lauréat, en 2021, de l'appel à projet national Plan de Paysage lancé par le Ministère de la Transition Ecologique. Un ambitieux projet a été développé : l'arbre et la vallée. Ce projet sera mis en place à compter de 2022 sur le territoire de la communauté de communes Marche Occitane-Val d'Anglin.
 
 

Un bocage géré durablement et adapté pour demain ?

Plusieurs pistes sont envisagées pour l’adaptation du bocage face au changement climatique :
  • Tout d’abord par une gestion adaptée :
    • Pratiquer le recépage, technique permettant la régénération d’une haie et le renouvellement de cette dernière
    • Les tailles régulières et trop intrusives à l'aide d'outils non adaptés ou mal utilisés fragilisent les végétaux et augmentent le risque de dépérissement.
  •  Renouveler le maillage  bocager en le diversifiant afin de diminuer sa vulnérabilité. Plusieurs diversifications sont ici possibles :
    • La diversification des essences plantées,
    • La diversification des origines des plants,
    • Différentes strates au sein de la haie, pour une meilleure efficacité.
  • Sélectionner des plants en fonction du contexte agronomique : sur quel type de sol,  possibilité d'arrosage, apports d'engrais. En fonction de ces paramètres la résistance des plants sera plus ou moins importante et plus ou moins adaptée au contexte.
  • Densifier le maillage bocager afin de lutter contre les événements météorologiques intenses (sécheresse, vague de chaleur, pluies extrêmes).
  • Miser sur l’adaptation génétique des individus mais aussi développer des projets de « végétal local » sur le territoire afin d’utiliser des individus déjà adaptés aux conditions pédo-climatiques du territoire (Plus de précision sur le label végétal local en bas de page).
  • Pratiquer la régénération naturelle des haies par la mise en défend de certaines zones pour favoriser la germination de la banque de graines déjà présentes dans le sol mais aussi pratiquer le semi direct de graines locales.
  • Envisager la possibilité de planter de nouvelles essences plus méridionales.

Le végétal local2022 02 VEGETAL Local logo

La marque "végétal local" est un outil permettant la traçabilité des végétaux locaux et sauvages. Il s'agit de végétaux collectés directement en milieu naturel, n'ayant subi aucune sélection par l'homme et aucun croisement. "Local" car collectés et tracés dans 11 régions biogéographiques pré-définies. Ce label permet donc de choisir des plants directement adaptés à la région biogéographique où l'on souhaite planter la haie, ou alors de sélectionner des plants d'origine autre que la région biogéographique, avec des essences similaires mais une génétique différente correspondant à des conditions pédo-climatiques différentes.
Tous ces paramètres permettent de : 
  • Participer à la fonctionnalité écologique des milieux,
  • Conserver le potentiel adaptatif vis-à-vis des changements globaux,
  • Permettre l’accueil et l’interaction avec la faune sauvage,
  • Améliorer la résistance aux maladies et ravageurs,
    Favoriser la résilience des écosystèmes.
     

Le bocage

jeudi 09 décembre 2021

Une agriculture spécialisée : 

L'agriculture dans le Parc naturel régional de la Brenne est spécialisée en fonction de la nature des sols. Elle occupe encore près de 15 % des actifs, joue un rôle important dans l’économie du territoire. Tournée principalement vers l’élevage (en particulier bovins allaitants, production de viande), elle reste néanmoins très diverse (caprins, ovins, productions végétales…).  L'élevage extensif représente l'activité agricole la plus importante, toutefois la superficie des grandes cultures augmente dans les communes en périphére du Parc. L'élevage bovin allaitant est présent en centre Brenne et dans le Boischaud sud où la prairie permanente reste dominante. L'élevage ovin est plutôt localisé en petite Brenne et dans le Boischaud Sud. Quant à l'élevage caprin il est présent sur les aires d'appellations des AOP Pouligny-Saint-Pierre et Valençay. Si l'élevage est tellement présent en Brenne, c'est parce que les sols ont un potentiel agronomique assez pauvre. En effet, ces sols très hydromorphes sont peu adaptés aux grandes cultures. Celles-ci se sont développées à l'ouest du territoire du Parc, sur des sols calcaires ou dans la vallée de la Creuse. Il s'agit de maïs, blé, colza ou encore des mélanges céréaliers. 

Au cours des prochaines années, les impacts du changement climatique sur l'agriculture seront multiples et variés en fonction des différents types d'agriculture : 

Les grandes cultures face au changement climatique : 

Pour les grandes cultures, une stagnation des rendements sera bien visible en région Centre, plus particulièrement pour le blé (données Oracle), on estime que d'ici 2050, le nombre de jours échaudants augmentera de 8 jours sur la période du 1er avril au 30 juin (pour le scénario SSP 4.5). L'échaudage des céréales à paille se caractérise par une mauvaise croissance ainsi qu'une mauvaise maturation des grains. Ce phénomène s'exprime lorsque les températures sont au-dessus de 25°C. Cette augmentation de température va ainsi faire diminuer le rendement des cultures mais surtout leur valeur nutritionnelle. 

  paysage pays blancois PNRBL'augmentation des températures devrait se faire ressentir tout au long de l'année : on remarque une augmentation des sommes de température, et celles-ci permettent d'estimer les cycles de croissance des plantes. Les cycles pourraient alors s'effectuer plus tôt qu'auparavant et permettre à certaines cultures d'éviter les sécheresses et les fortes chaleurs de l'été. Pour le blé par exemple la reprise de végétation s’effectuera plus tôt, ce qui permettra au grain une maturation plus précoce.

Mais l'avancement des cycles de croissance végétatifs dans l'année pourrait avoir un autre impact : une vulnérabilité plus importante face aux gelées tardives pouvant mettre à mal les cultures.  

 Durant la période estivale le risque de déficit hydrique pour les plantes aura tendance à augmenter. En effet, lorsque les températures augmentent, la plante tente de réguler sa température foliaire en transpirant. Cette action de transpiration entraine une forte demande en eau. Aujourd'hui, des besoins plus importants en eau se font déjà ressentir sur tout le territoire. Certaines parcelles sont déjà irriguées, et ce phénomène risque de s’accroître dans les années futures. Sans adaptation des pratiques agricoles et des variétés cultivées, les besoins ne feront que croître avec l'évolution des températures. La question de l'irrigation des terres agricoles est aujourd'hui très complexe. La disponibilité en eau diminuant au cours de l'été, les enjeux seront de hiérarchiser les usages de l'eau (l'alimentation en eau potable, l'abreuvement, l'irrigation, l'industrie, le BTP et l'énergie mais aussi le maintien des cours d'eau et des zones humides). La situation nécessitera d'accompagner les changements de pratiques et d'instaurer des instances de 2022 05 champs mais irrigué NR 2gouvernance pour répartir les volumes prélevables. 

L'augmentation des événements météorologiques intenses tels que des fortes pluies pourraient également être fortement dommageables pour les grandes cultures avec des destructions partielles des cultures ainsi que des risques de verse plus importants pour les cultures à paille. Ces phénomènes météorologiques intenses vont augmenter les risques de ruissellement et d’érosion des sols.

Aujourd’hui le maïs, utilisé par l’élevage en culture fourragère sur le territoire, souffre déjà de déficit hydrique. Cela se caractérise par une perte de vigueur et des arrêts de croissance. Les vagues de chaleur et les risques de sécheresse plus importants à l’avenir risquent de fortement impacter ce type de culture. En revanche une culture fourragère déjà utilisée comme la luzerne présente des caractéristiques intéressantes de résistance face à des stress hydriques. 

 

Un champ de maïs irrigué, Image d'archives, La Nouvelle République

  L'élevage face au changement climatique :

L'élevage de ruminants est souvent décrié pour ses fortes émissions de gaz à effet de serre. De fait, les émissions causées par l'élevage bovin en France représentent environ 60 % des émissions totales du secteur agricole (source : institut de l'élevage). En revanche environ 1/3 de ces émissions sont stockées de différentes manières, dans les sols (en prairies) et grâce au système bocager. En Brenne, les prairies font partie intégrante du paysage. Ces milieux sont souvent riches en diversité. La présence de ces prairies est menacée par l'enfrichement et l'avènement de la chasse, enjeux phares sur le territoire.

 Selon l'outil Drias, la reprise de la végétation en prairie avancera d'une dizaine de jours (passant du 13 février pour la période 1976/2005 au 5 février pour la 19 05 23 RNR Massé Foucault Prairies et vaches PNRB 02période 2041/2070 selon le scénario 4.5). La reprise de végétation se réalise à partir du moment où les températures sont suffisantes pour que la pante commence à repousser. En revanche les prairies seront probablement sèches plus rapidement durant la saison estivale. L'assèchement des prairies accroît les risques d’érosion et de ruissellement lors d’événements pluvieux intenses.

  Outre l'accès aux fourrages, la santé des animaux risque de pâtir des fortes chaleurs l'été et des périodes de sécheresses de plus en plus longues. Certaines espèces sont mieux adaptées que d’autres : les Limousines et Charolaises risquent de subir les conséquences du changement climatique de manière plus importante que les chèvres, plus adaptées à des fortes chaleurs.  Ces nouvelles conditions pourront avoir un impact direct sur l'alimentation, la production ou encore les cycles reproducteurs des animaux. Les animaux dépenseront plus d'énergie afin de réguler leur température corporelle. Les besoins en eau deviendront plus importants. Sur le territoire, la production fromagère joue un rôle important pour la préservation de l'agriculture et l'activité économique. Selon les prévisions, les productions de lait auront tendance à diminuer car les caprins mobiliseront leur énergie afin de maintenir une température corporelle.

Pâturage dans la Réserve Naturelle Régionale Massé-Foucault, PNR Brenne, 2019

 

Aujourd'hui l'abreuvement des animaux peut être réalisé grâce à l'accès à certains cours d'eau. Dans les conditions de changement climatique, les débits des cours d'eau seront amenés à fortement diminuer durant la période estivale. L'accès à l'eau deviendra de plus en plus difficile.

Des éléments actuels du paysage permettent d'ombrer les troupeaux (arbres isolés et bocage). Par ailleurs, les arbres isolés disparaissent peu à peu et ne sont pas renouvelés dans les prairies. Et les bouchures sont vieillissantes et parfois mal gérées. C'est pourquoi il apparaît nécessaire de restructurer un maillage bocager plus important pour limiter l'impact du changement climatique.

 

Une adaptation au service de l'agriculture :

Pour répondre à ces enjeux, il convient d'adapter dès à présent les pratiques agricoles :

  • Utiliser des variétés culturales plus précoces ou ayant un besoin hydrique moins important (sorgho, sylphie, méteils…)
  • Allonger les rotations de culture
  • Couvrir les sols
  • Repenser les dates de semis
  • Diversifier les variétés semées afin de minimiser les risques liés au changement climatique
  • Augmenter/renouveller la surface bocagère (stockage du carbone, rétention de l'eau, effet de fraicheur et ombrage, résistance mouvements de terrain et crues)
  • Replanter des arbres de plein champ afin de favoriser l’ombrage pour les animaux

L'agriculture

jeudi 09 décembre 2021

L'étang, symbole paysager du PNR

Les étangs dans le Parc naturel régional de la Brenne sont un marqueur fort du paysage, et ce depuis le milieu du Moyen Age. Aujourd’hui on dénombre plus de 4 000 plans d'eau dans le PNR, aussi appelé « pays des mille étangs » sur  une surface totale d’eau d’environ de 8 à 10 000 hectares.

Les étangs de Brenne ont été bâtis à partir du milieu du Moyen Age tout particulièrement entre le XIVe et la fin du XVIe siècle dans le but principal d'élever du poisson. Ce mouvement piscicole certainement initié par les élites rurales (seigneuries laïques et ecclésiastiques) est une solution pour mettre en valeur des terrains peu perméables et peu aptes à l'agriculture conventionnelle. Les bâtisseurs de l'époque ont tiré partie du modelé du relief pour barrer des talwegs en érigeant des digues de terre et former ainsi une retenue d'eau stagnante de faible profondeur. La seule partie creusée de l'ouvrage est la pêcherie, au pied de la bonde, où le poisson élevé est pêché lors de la vidange complète de la nappe d'eau. Le phénomène piscicole brennou est en fait carpicole : la carpe danubienne, introduite en France au 13e siécle, est alors de très loin le produit principal des étangs. Parmi ses atouts, citons sa robustesse, notamment au transport, qui permet au pisciculteur d'acheminer le poisson vivant jusqu'à son lieu de consommation, à savoir les centres urbains alors en plein développement. L'élevage de la carpe est parfaitement maitrisé grâce à la pisciculture en étangs spécialisés, laquelle se fonde sur la segmentation géographique des stades de croissance de la carpe (en 3 étangs). Cette méthode connue dès la fin du Moyen Age est toujours pratiquée au 21e siècle. La pisciculture s'est toutefois modernisée au cours du 20e siécle. A partir des années 1970, les étangs en Brenne ont vu leur nombre augmenter de deux tiers, d’une part pour la pisciculture mais aussi pour le loisir (pêche, chasse). Aujourd’hui, sur le territoire du Parc, on compte environ 300 propriétaires d’étangs pour 51 pisciculteurs. La pisciculture s’est aujourd’hui diversifiée, en effet on distingue deux issues pour les poissons produits : l’alimentation avec la carpe et  le repeuplement de rivières avec le brochet, la tanche, la perche, le gardon, ou encore le black bass. 

2022 02 Etang description CENFonctionnement d'un étang, CEN Centre-Val de Loire

Un territoire d'eau

Les étangs de Brenne sont des étangs particuliers, d’une part en raison de leur faible profondeur, d'autre part en raison du système de chaînes d’étangs (étangs se déversant les uns dans les autres et vidangés tous les ans ou tous les deux ans afin de les pêcher). Le façonnement du paysage de la Brenne, que l’on pourrait appeler « un réseau d’eau », a permis de connecter des zones aquatiques (constituées d’eaux stagnantes : mares, étangs, fossés et eaux courantes : rivières, fleuves, ruisseaux) avec des zones humides en périphérie, ces dernières s’identifient d’un point de vue botanique et/ou pédologique. Ce maillage d’habitat est à l’origine d’un enrichissement de la biodiversité. De par sa grande richesse écologique la majorité du Parc a été classée zone humide d’intérêt international au titre de la convention RAMSAR (1991), et 4 sites sont classés Natura 2000.

 

Impacts du changement climatique:

Aujourd’hui ces zones humides et aquatiques si importantes pour l’identité paysagère de la Brenne risquent d’être fortement impactées par les changements climatiques, et plusieurs questions se posent : comment préserver la richesse paysagère actuelle, ainsi que la biodiversité associée ? Quel avenir pour la pisciculture ?

Chaque étang est "unique" en fonction de sa taille, de sa profondeur moyenne, de sa profondeur à la bonde, de son bassin versant, de sa position dans la chaine, du substrat sur lequel il se trouve (argile, grès, sable, marne...), et des pratiques qui lui sont appliquées. Toutes ces caractéristiques de l'étang ainsi que le chargement en poissons de l'étang influencent ainsi la végétation ainsi que la concentration en nutriments de l'eau des étangs. Chaque étang réagira alors de différentes façons aux changements à venir.

2019 sécheresse Aurore

  • L'évaporation

L’évaporation de l’eau d’un étang dépend de multiples facteurs : la température atmosphérique, la faible humidité relative, la quantité de vent ainsi que l’ensoleillement. Dans la cadre du changement climatique, on a connaissance d’une augmentation de la température (d’environ +1.6°C pour la période 2041/2070 par rapport à la période 1976/2055 selon le scénario d'émissions RCP 4.5, DRIAS) ainsi que de l’augmentation de journées chaudes (+29 selon le scénario d'émissions RCP 4.5, DRIAS). Ces deux effets combinés vont ainsi augmenter l’évaporation de l’eau des étangs.  De plus par leur topographie (faible profondeur), les étangs de Brenne  se réchaufferont plus vite et l’augmentation de la température de l’eau est une fonction croissante du taux d’évaporation. Peu d’études ont été menées afin de connaître la quantité d’eau évaporée par les étangs. Selon l’OFB elle est de « de 0.5 l/s/ha de mai à septembre, durant 10h par jour ». L’EPTB Vienne mène une étude sur le territoire SAGE Creuse afin de connaître la quantité d’eau « utilisée » sur tout le territoire et de faire une modélisation des usages en 2050 en fonction du modèle climatique CNRM-CM5-LR / ALADIN63 avec le scénario RCP 4.5. Selon cette étude la surévaporation des plans d’eau (évaporation auquelle on soustrait l'évapotranspiration) augmentera en moyenne de 35 à 40 % sur le territoire du Parc en 2050 par rapport à la période 2000/2019.

 Rives desséchées d'un étang lors de la sécheresse de 2019 : Aurore Coignet,
chargée de mission au PNR, montre l'étendue des dégats, La Nouvelle République

 

  • La concentration en oxygène

L’oxygène présent dans l’eau est appelé oxygène dissous, il provient de deux sources différentes : les échanges atmosphériques et la photosynthèse réalisée par les plantes aquatiques. Sa concentration dépend de plusieurs facteurs : la température de l’eau, la pression atmosphérique ou encore la concentration en nutriments de l’eau. Dans le cas où l’eau viendrait à s’évaporer et à se réchauffer, et où ainsi une diminution de l'oxygène dissous dans l'eau aurait lieu, tout l’écosystème deviendrait perturbé. En effet, la concentration de cet élément est un des facteurs déterminant à la vie des espèces dans les étangs. Plus cette concentration devient faible plus le milieu s’appauvrit. Les premiers organismes touchés sont les poissons très sensibles aux variations d’oxygène, parmi ceux-ci les carnassiers semblent être les premiers à pâtir du manque d’oxygène dissous.

Un taux de chargement en poissons trop important en fonction du volume d'eau sera nuisible pour la vie de ceux-ci car la disponibilité en oxygène se fera de plus en plus rare, indispensable à la survie de ces organismes. La diminution de la dilution des éléments nutritifs tels que l’azote ou encore le phosphore sera favorable à certaines plantes comme la lentille d’eau ou à certaines cyanobactéries ayant plus de facilité à coloniser un milieu riche, mais pauvre en oxygène,  et qui se développera au détriment des autres plantes autochtones. Les étangs possèdent un équilibre biologique et chimique, et si une composante de cet équilibre change, le réseau trophique se modifie, entraînant de possibles conditions d’asphyxie du milieu par eutrophisation. L'eutrophisation du milieu se caractérise par une augmentation de la quantité de matière organique dans l’étang qui va induire une demande plus forte en oxygène par les bactéries afin de la décomposer. Cette surconsommation d'oxygène entraînera l'anoxie de l'étang. Ce phénomène est déjà présent en Brenne, mais un réchauffement plus important de l'eau couplé à une production piscicole intensive va accentuer grandement les risques d'eutrophisation du milieu. 

  • Impacts sur la biodiversité

Une modification de l’habitat "étang" causé par une diminution de la hauteur d’eau aura un impact direct sur la biodiversité associée aux étangs. Cet impact sera d'autant plus important associé à la gestion piscicole des étangs (chargement en poisson, préservation de la végétation, turbidité de l'eau...). En effet avec une diminution des hauteurs d'eau les habitats propices au maintien des populations d'amphibiens, d’avifaune ou encore d'odonates, se feront de plus en plus rares. On peut imaginer une adaptation plus rapide pour la faune que pour la flore grâce à leur capacité de déplacement, mais dans ce cas la conservation d'un nombre suffisant d'habitats favorables est primordiale afin d'optimiser les chances de conservation de cette biodiversité. Un assèchement partiel ou total de l’étang va impacter les aires de reproduction des espèces ainsi que  la disponibilité en ressource alimentaire indispensable à leur survie.

Par ailleurs, selon une étude sur l'écrevisse de Louisianne (Dayde Jeremy, 2016, Suivi de l’écrevisse de Louisiane, Procambarus clarkii, dans l’embouchure du Fangu (Corse) et propositions de gestion) nous avons pu remarquer que celles-ci seraient favorables à une augmentation de la température de l’eau. En effet elle est capable d'évoluer dans des eaux de 10 à 41°C. On pourrait alors envisager une augmentation des populations d’écrevisses, et l'impact déjà problématique aujourd'hui serait multiplié.

L’écosystème des étangs est très complexe, de nombreuses espèces aussi bien animales que végétales dépendent de cet habitat et si un seul paramètre est déréglé de nombreux autres impacts se feront ressentir.

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Les étangs

jeudi 09 décembre 2021

Un territoire d’eau

Le Parc est situé à cheval entre plusieurs bassins versants, celui de la Creuse (32 % du territoire), la Claise (39 % de la surface du Parc), l’Anglin qui lui représente 27 % et par celui de l'Indre au nord-est du Parc. Les eaux de sources et de pluies trouvent leurs exutoires principaux à l'ouest du Parc en suivant l’orientation du relief. La Claise rejoint la Creuse à l'Ouest du territoire. La Claise possède de nombreux affluents tels que les Cinq Bondes, la Benaise, l'Yoson, on retrouve d'autres affluents directs de la Creuse tels que le Suin ainsi que les Vigneaux, le Fondrouge, et les Fontenettes. 

Ces différents cours d'eau sont alimentés soit par des sources soit directement par les pluies. En effet, en Brenne l'hydromorphie des sols ne permet pas ou peu d'échanges verticaux avec les nappes, les sols sont généralement peu profonds (40-80cm) et la quasi-totalité des eaux s'écoulent en surface. Cette caractéristique a permis la formation de zones humides.

L’eau une ressource fragilisée

Les différents cours d’eau sur le territoire subissent déjà des périodes d’étiage de plus en plus longues. L’étiage est le niveau le plus bas d’un cours d’eau, il correspond au moment où les débits sont les plus faibles. Une étude menée par l’EPTB Vienne (2021, HMUC) qui a comparé les étiages des 60 dernières années à ceux des 10 dernières, a montré les tendances suivantes :

  • Un allongement de l’étiage de 1 à 2 mois
  • Une diminution des débits moyens annuels des cours d’eau de 10 à 20 %, avec en été une chute des débits mensuels de 30 à 40 mm

Selon l’étude Explore 2070, ces phénomènes devraient s’accroître : d’ici 2070 les débits moyens annuels des cours d’eau devraient diminuer de 10 à 40 %.

Les différents usages de l’eau participent à cette évolution préoccupante des débits des cours d’eau. Une tension sur la ressource en eau est à prévoir dans les prochaines années entre les différentes utilisations : irrigation des cultures, abreuvement du bétail, utilisation industrielle, alimentation en eau potable. De plus, l’évaporation des eaux de surfaces est un phénomène aujourd’hui constaté qui implique une pression supplémentaire sur la ressource. 

L’eau est une ressource vitale à la survie des territoires, et le Parc de la Brenne est particulièrement dépendant de cette ressource en raison de la densité de zones humides, de cours d’eau, d’étangs mais aussi de part la forte place de l’agriculture sur son territoire. L’agriculture pourrait avoir des besoins en eau plus importants en relation directe avec l’augmentation des températures. En fonction du type d’agriculture ces besoins s’exprimeront de différentes manières : augmentation des besoins en irrigation pour les cultures, augmentation des besoins en abreuvement pour les bêtes dans l'élevage. Aujourd’hui les prélèvements en eau les plus conséquents restent liés à l’évaporation des plans d’eau, ce phénomène ne ferait qu’augmenter d’après les projections de l’étude HMUC. (HMUC, ETPB Vienne, Octobre 2021)

 

2022 02 SMABCACeau

L’arrosage des cultures n’est aujourd’hui que légèrement présent sur le territoire notamment sur les plateaux céréaliers autour de la ville du Blanc et d’Azay-le-Ferron, et proviendrait directement des eaux de surface et des nappes phréatiques. Dans les deux cas ce prélèvement joue un rôle important sur la ressource en eau, et pourrait  impacter directement la ressource en eau potable. En 2019, des alertes ont été lancées car des manques en approvisionnement en eau potable ont été constatés au niveau d’une commune du Parc. Des restrictions d’usage ont alors été mises en place aussi bien pour les agriculteurs que pour les habitants.  A l’avenir, de telles restrictions risquent d’être de plus en plus courantes, avec un fort impact aussi bien sur l’agriculture que pour les habitants du territoire.

La diminution des débits des cours d’eau devrait provoquer une perte d’habitat pour la faune et la flore inféodées à ces milieux. En effet en 2019 des segments de la Creuse, de l’Anglin ou encore de la Claise se sont retrouvés complètement à sec, ce qui a provoqué une forte mortalité des organismes vivants. De plus, en raison de la diminution des hauteurs d’eau et des débits, les rivières sont plus vulnérables aux pollutions et à l’eutrophisation. Selon le plan d’adaptation au changement climatique Loire Bretagne, les températures de l’eau des cours d’eau devraient augmenter d’environ 2°C d’ici 2050.(Plan d’adaptation au changement climatique pour le bassin Loire Bretagne, Agence de l’eau, 2018) ce qui ne ferait qu’augmenter les risques d’eutrophisation. Ces nouvelles conditions climatiques vont ainsi modifier l’équilibre biochimique des cours d’eau et vont permettre le développement de certaines algues, cyanobactéries ou encore de virus nocifs pour la vie aquatique. Cette modification de la qualité des cours d’eau impactera directement la production en eau potable ou encore l’utilisation de l’eau pour l’abreuvement des animaux, révélant là un réel enjeu de santé publique.

 

 

SMABCAC sécheresse 2019, En rouge, les linéaires en rupture d’écoulement ou en assec total en septembre 2019

 

L’augmentation probable de la fréquence des événements pluvieux violents pourrait conduire à un changement important du régime des crues des cours d’eau du territoire. Les régions les2022 inondation Bélâbre plus hydromorphes du territoire pourraient voir leur sensibilité au ruissellement augmenter en dehors du réseau hydrographique. La présence de zones humides peut permettre de contrebalancer ces phénomènes : il s’agit d’un véritable atout. Mais ces zones humides sont elles aussi menacées par le dérèglement climatique ainsi que par certaines pratiques humaines. Une gestion adaptée de ces milieux est primordiale dans la lutte contre les inondations.

 

 

Inondation à Bélâbre le 14 juillet 2021, Prefecture de l'Indre

 

Les enjeux liés à l’eau sont multiples : le territoire doit réussir à préserver la qualité, la quantité de l'eau mais aussi la diversité des paysages associés.

Comment s’adapter ?

Globalement :

  • Réduire les rejets et diminuer le ruissellement dans le but de minimiser la pollution des eaux de surface
  • Lutter contre l’artificialisation des sols pour améliorer l’infiltration de l’eau
  • Sensibiliser la population aux économies d’eau, mais aussi accentuer les efforts sur la gestion des eaux pluviales en milieux urbains
  • Avoir une gestion optimale de la hauteur d’eau du barrage d’Eguzon (barrage en amont du Parc sur la Creuse) pour limiter les risques d’inondation et apporter un soutien à l’étiage en été

Cours d'eau, zones humides et étangs :

  • Favoriser l’ombrage par la plantation de ripisylve autour des cours d’eau afin de limiter le réchauffement des cours d’eau et permettre la filtration de l’eau de ruissellement
  • Favoriser une restauration des zones humides afin qu’elles puissent exercer leur rôle de zones tampons mais avant toute chose conserver les zones humides actuelles
  • Essayer de limiter l’évaporation de l’eau des étangs, par exemple par la végétalisation
  • Repenser collectivement et solidairement l’usage de l’eau au sein des étangs

Agriculture :

  • Favoriser des techniques agricoles et espèces cultivées peu gourmandes en eau, développer l’utilisation de cultures résistantes au stress hydrique (méteils, sorgho, silphie…)
  • Limiter le ruissellement et favoriser l’infiltration de l’eau (difficile en Brenne) par un remaillage bocager permettant de lutter contre les événements pluvieux extrêmes et l’érosion des sols

Lutter contre les inondations :

  • Préserver les zones d’expansion des crues dans l’aménagement du territoire et redonner aux rivières un espace de liberté
  • Eviter le ruissellement des eaux par l’expansion du maillage bocager, limiter l’impact des pluies extrêmes par une gestion adaptée des étangs et des zones humides. En effet si les tous les plans d’eau et zones humides sont « remplis » au moment d’événements extrêmes, ces milieux ne pourront exercer leur rôle de zone tampon, il faudrait donc imaginer un système de vidange des eaux en amont d’événements extrêmes annoncés
  • Avoir en permanence des couverts végétaux sur les sols agricoles

L'eau

jeudi 09 décembre 2021