Daniel Gérard vit dans le PNR de la Brenne depuis quelques mois et a apporté avec lui son matériel d’écoute qu’il met à disposition des participants lors de ses sorties acoustiques, à l'écoute des oiseaux chanteurs. Une approche inédite sur le territoire pour les visites ornithologiques proposées au public.
Equipé de sa parabole et de 6 casques pour les 5 participants et lui-même, Daniel nous emmène sur le chemin de Beauregard à Saint-Michel-en-Brenne.
Ce sentier offre une diversité de paysages sur quelques centaines de mètres : départ en milieu forestier qui s'ouvre progressivement pour arriver sur un paysage de landes et terminer en milieu humide en bordure d’étang. Ce qui permet d’écouter une variété d’espèces d’oiseaux inféodés à ces différents types de milieux.
1 | Une richesse de langages
Avant de commencer l’écoute et l’identification des oiseaux chanteurs nous entourant, Daniel nous apporte quelques éclaircissements concernant les fonctions du chant pour les oiseaux.
Il nous indique que la plupart des espèces d’oiseaux acquièrent leur chant par apprentissage.
Certaines exceptions confirment la règle comme le Pinson des arbres par exemple, qui est capable de produire des sons, des « syllabes » de manière innée qu’il va apprendre à structurer par apprentissage.
Un oiseau, comme beaucoup d’espèces, a besoin de ses congénères pour apprendre à chanter.
Saviez-vous qu’au sein d’une même espèce, existent différents « dialectes » ?
Le Pinson des arbres (pour le reprendre en exemple) qui vit dans le PNR de la Brenne chante un dialecte différent de son homologue breton. La structure globale est similaire mais le chant va varier en « fin de phrase ».
Certaines espèces ne produisent qu’une seule phrase (Pouillot véloce, Locustelle tachetée) alors que d’autres produisent plusieurs chants, comme le rossignol ou le rouge gorge par exemple.
La Grue Cendrée émet 20 cris différents. Chaque cri correspond à un contexte écologique différent, en présence de prédateurs, en présence des congénères ou de leurs petits.
Le Grand corbeau a quant à lui un répertoire de 33 cris ! Les Corvidés sont effectivement bien connus pour être des espèces avec des capacités cognitives développées.
Pour la Bécassine des marais ou le Butor étoilé, l’analyse des sonogrammes permet même d’identifier l’individu chanteur. Il est ainsi possible de savoir si la Bécassine des marais entendue est Georges, Nestor ou Aristide.
Le Rouge-gorge, quant à lui, est capable de diversifier son répertoire vocal lorsque sa population augmente sur un territoire donné, afin de se distinguer.
Daniel souligne les deux fonctions du chant pour un oiseau :
- Indiquer sa présence sur le territoire.
- Exprimer une certaine vitalité, informant ainsi les femelles quant à leur qualité de bons reproducteurs.
Pour chanter, les oiseaux sont dotés d’un Syrinx, organe dont l’Homme est dépourvu.
L’identification des oiseaux par le chant est également très pratique pour distinguer plusieurs espèces pourtant sensiblement identiques à l’œil. Dans ce cas, le chant permet d’identifier de manière certaine l’oiseau observé.
Certaines espèces d’oiseaux comme la Rousserole verderolle produisent des chants composés uniquement d’imitations. Migrant en Afrique, elle comprend donc dans son répertoire des chants d’oiseaux africains. Fascinant non ?
2 | Ecoute en milieu forestier
Nous commençons l’écoute au casque relié à la parabole et comprenons rapidement l’intérêt de ce matériel. La parabole permet de « cibler » les chants d’oiseaux se trouvant dans telle ou telle direction. Elle permet aussi de capter des chants d’oiseaux non détectés à l’oreille « nue ».
Direction Est pour capter le chant de la Tourterelle des Bois, direction Nord pour mieux entendre le chant du Rossignol qui n’est pas loin. La parabole s’avère être un filtre efficace pour se concentrer sur les chants provenant d’une direction. Un tri artificiel bien utile pour l’apprentissage que notre cerveau peut avoir du mal à faire avec des stimuli provenant d’un angle de 360°.
Daniel nous signale le chant d’un Loriot d’Europe, du Pouillot de Bonelli, du Pouillot véloce et du Pinson des arbres.
En avançant un peu plus loin, on entend un rossignol, qui produit des phrases « flûtées ». En période de reproduction, le rossignol chante jour et nuit pour trouver une partenaire. En ville, une étude a montré que les Rossignols chantent plus fort la semaine que le week-end pour couvrir les bruits de l’agitation citadine plus intense en semaine. Ils choisissent préférentiellement des moments de silence dans le chorus des chants d’oiseaux pour lancer leurs phrases. Malins les Rossignols !
On distingue une Fauvette grisette, une Bouscarle de Cetti avec son chant « sporadique », la Fauvette à tête noire produisant un chant « accidenté puis flûté en fin de séquence ».
La Fauvette à tête noire est d’ailleurs un oiseau qui renonce progressivement à la migration. En effet, la migration est coûteuse pour les oiseaux. 20% des individus succombent au voyage.
En parlant de coût migratoire, l’agitation intense et irrépressible s’emparant des oiseaux avant de partir en migration, appelée zugunruhe, est telle que la Tourterelle des bois est capable d’abandonner ses petits au nid pour partir en migration !
Une population de Fauvette à tête noire d’Europe de l’Est ne migre plus vers l’Afrique mais vers l’Angleterre. En conséquence, cette population de Fauvette a les ailes plus courtes et les becs plus longs car elles se nourrissent davantage dans les mangeoires en hiver. Ce qui montre bien que l’écologie des espèces est dynamique : les aires de répartition et les flux migratoires évoluent induisant des modifications morphologiques.
On entend plus loin un Faisan, un Merle, une Tourterelle des bois (arrivée aux abords du sentier cette semaine car Daniel ne l’avait pas encore entendue), un Hypolaïs polyglotte avec son chant « très aigu, métallique, grinçant », un Pic vert au loin, le Bruant proyer (nouvellement arrivé aux abords du sentier également) dont Daniel compare le chant à « une bille qui tombe par terre », une Alouette des champs et une Mésange charbonnière.
Avec toutes ces espèces chantant en même temps, c’est un passionnant exercice de concentration pour se familiariser aux chants de cette diversité d’espèces présentes (facilité par l’orientation de la parabole).
Un Rouge gorge se mêle au chorus avec ses partitions plutôt « descendantes », « mélancoliques ».
Un Coucou se trouve également dans le périmètre. Daniel nous livre quelques informations sur cet oiseau : le Coucou mange un œuf dans le nid prédaté, dépose son œuf pré-incubé dans le nid afin qu’il éclose avant les autres. Une fois éclos, le petit tout juste sorti de l’œuf va instinctivement se débarrasser de tous les œufs du nid grâce à la substance collante qu’il a dans son dos. On peut comparer l’effort que l’oisillon tout juste né fourni au déplacement d’une charge de 100kg à échelle humaine. Le Coucou pond 30 œufs à la période de reproduction, ce qui fait donc 30 nids prédatés !
La Fauvette à tête noire est une espèce qui ne se laisse pas flouer par le Coucou et est capable de détecter et de se débarrasser de l’intrus.
2 | Ecoute en paysages de landes et étangs
En arrivant au niveau de la lande, une aigrette nous survole, nous détectons le chant d’une Pie grièche écorcheur (espèce qui retrouve au retour de la migration exactement le même arbre pour nicher que l’année précédente. C’est ce qui s’appelle la philopatrie !)
C’est aussi un milieu propice pour diverses espèces de Bruants et Linottes que nous n’entendrons pas aujourd’hui (à part le Bruant Proyer un peu plus tôt).
En se rapprochant des étangs et des roselières, une Fauvette des jardins se manifeste, une Grive musicienne et un râle d’eau poursuivent. La Fauvette des jardins est une migratrice hors pair qui traverse le désert subsaharien d’une traite en parcourant 2000 kms !!
Le record est détenu par la Barge rousse qui a rejoint l’Alaska à la Nouvelle-Zélande en 11 jours et 11 nuits sans s’arrêter !
On espère entendre la Cisticole des joncs qui émet un chant « métronomique » en vol. Mais c’est la Locustelle tachetée que nous entendons tout près avec son chant qu’on pourrait attribuer à un « insecte ». Bien que le milieu soit propice à la Locustelle luscinoïde, inféodée aux roselières et grandes étendues, c’est bien sa cousine tachetée qui chante. La Locustelle tachetée peut produire son chant sans interruption pendant 1 ou 2 minutes.
Le Grèbe castagneux chantent également ainsi que la Guifette moustac et le Foulque.
La Guifette noire et la Guifette leucoptère sont également présentes en Brenne toutefois en effectif moins important que la Guifette Moustac.
Nous sommes ravis d’entendre également le Phragmite des joncs qui a un chant très « haché, syncopé » que Daniel compare à un rappeur 😉
Espèces entendues de 8h30 à 11h le 4 mai sur le sentier de Beauregard :
Conditions météo : temps couvert, faible luminosité
Loriot d’Europe – Pouillot de Bonelli – Pouillot véloce – Pinson des arbres – Fauvette grisette – Rossignol – Rouge gorge – Coucou – Faisan – Bouscarle de Cetti – Fauvette à tête noire – Merle – Tourterelle des Bois – Hypolaïs polyglotte – Pic vert – Locustelle tâchetée – Bruant proyer – Alouette des champs – Mésange charbonnière – Fauvette des jardins – Grive musicienne - Râle d’eau – Pie grièche écorcheur – Grèbe castagneux – Phragmite des joncs – Foulque – Guifette moustac
Outils utiles pour identifier et analyser les chants d’oiseaux :
-MerlinBird est une appli intéressante pour apprendre les chants d’oiseaux sur le terrain. Elle identifie les espèces chantantes et surligne l’espèce à chaque fois que celle-ci chante. Un excellent assistant pour l’apprentissage ou quand vous avez un doute (bien que l’appli ne soit pas fiable à 100%, n’oublions pas que plusieurs espèces sont imitatrices).
-Pour les amateurs d’enregistrements, Chirpity passe vos fichiers audio et identifie les espèces enregistrées en un temps record. Fini les repasses de bandes pendant des heures ! Chirpity le fait pour vous !
-Xeno-canto pour partager et écouter des sons du monde entier.
Article publié le 9 mai 2025 par Zoé L., O.T. Destination Brenne (crédit photos @destinationBrenne).
Infos pratiques :
Encore 4 créneaux disponibles pour participer à cette sortie acoustique :
les 10 et 11 mai
les 14 et 15 juin
Les créneaux de juin ont été pensés par Daniel de manière à être accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Réservez dès maintenant !
Daniel propose d'autres sorties sur le thème des Oiseaux d'eau (sans matériel d'écoute) et organise des stages ornithologiques et photographiques sur une ou plusieurs journées.
Selon ses disponibilités, Daniel peut également proposer des sorties ornithologiques privatives en très petit comité. Contactez l'Office de tourisme ou Daniel directement via son site internet Objectif Brenne.